Merci à Miss Aspho de m’avoir prêté ce livre qu’il me tardait de découvrir, et un paragraphe de sa chronique que vous pouvez lire : Ici.
Novembre 1954. Ellis Island va fermer ses portes pour toujours et il reste neuf jours à John Mitchell « pas un de plus » avant de quitter les lieux. Une fièvre s’empare soudain de lui, un besoin impérieux d’écrire sur ses quarante-cinq années passées là, en exil de sa vie, de lui-même au milieu d’autres exilés apatrides. John Mitchell est le directeur du centre au moment de sa fermeture et il va nous livrer ses souvenirs tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel. « Le temps s’est figé ici, tous sont allés vers leur vie, je suis resté à la mienne, ici à quai, spectateur de ces destinées multiples, témoin de ces heures ou de ces jours de passage qui ont définitivement changé le visage de leur existence. »
Pour ceux qui ne connaissent pas Ellis Island, c’est un îlot situé derrière la Statue de la Liberté à New York , qui fut la porte d’entrée de l’ Amérique pour des millions d’immigrants venus chercher une meilleure vie. Les services de l’ immigration des States vérifiaient ici, que les candidats au visa ou à la nationalité américaine, n’étaient pas une menace pour le pays.
L’histoire racontée par Gaëlle Josse est vraiment belle, il y a de l’émotion, beaucoup d’humanité comme dans tous ses romans, du rythme, du suspens, de l’amour, du romanesque…c’est presque un roman parfait, et je reviendrai sur le presque un peu plus loin . J’ai particulièrement aimé le regard porté par l’auteur sur la situation de migrant, regard à la fois touchant et tendre dans sa gravité.
« Pendant quarante-cinq années – j’ai eu le temps de les compter -, j’ai vu passer ces hommes, ces femmes, ces enfants, dignes et égarés dans leurs vêtements les plus convenables, dans leur sueur, leur fatigue, leurs regards perdus, essayant de comprendre une langue dont ils ne savaient pas un mot, avec leurs rêves posés là au milieu de leurs bagages. Des malles, des cantines, des paniers, des valises, des sacs, des tapis, des couvertures, et à l’intérieur tout ce qui reste d’une vie d’avant, celle qu’ils ont quittée, et qu’ils doivent, pour ne pas l’oublier, garder dans un lieu fermé au plus profond de leur cœur afin de ne pas céder au déchirement des séparations, à la douleur de se souvenir des visages qu’ils ne reverront jamais. Il faut avancer, s’adapter à une autre vie, à une autre langue, à d’autres gestes, à d’autres habitudes, à d’autres nourritures, à un autre climat. Apprendre, apprendre vite et ne pas se retourner. Je ne sais si pour la plupart d’entre eux le rêve s’est accompli, ou s’ils ont brutalement été jetés dans un quotidien, qui valait à peine ce lui qu’ils avaient fui. trop tard pour y penser leur exil est sans retour. »
Hé bien voilà, à l’instar d’ Anna Gavalda et de Delphine De Vigan, j’ai lu tous les romans de Gaëlle Josse. Si vous ne connaissez pas cette auteur, Le Dernier Gardien d’Ellis Island est le roman qu’il vous faut lire en premier. Vous serez emportés par l’histoire de ce directeur accroché sur son rocher et vous ne lâcherez pas le livre avant de connaître la fin. C’est un roman réussi et quasi universel qui pourra toucher un très large public. C’est un livre qui s’offre, qui se prête, qui se conserve…et qui fait un beau parcours en librairie , loin du tapage médiatique, ce qui est amplement mérité.
Oui mais voilà, pour moi ce n’est pas le meilleur livre de Gaëlle Josse, ce qui ne gâche en rien le plaisir que j’ai eu à le lire. Dans Le Dernier Gardien D’ Ellis Island, Gaëlle Josse apparaît comme une merveilleuse raconteuse d’histoire romanesque (et cela devient rare finalement…) mais l’histoire éclipse parfois la magie des mots . Il y a quelques facilités dans le cours du récit, pas mal de teasing , (effet d’annonce sur ce qui va suivre…ne zappez pas le meilleur est à venir…), on retrouve l’inévitable lumière des étoiles mortes (que les romanciers adorent mais aucun n’arrivent à égaler Ariane qui l’évoque si bien dans Belle Du Seigneur) et certains personnages ont du mal à exister car ils ne font qu’une trop brève apparition . Je ne vais pas me faire des amis étant donné les critiques dithyrambiques sur les blogs et dans la presse, mais voilà, j’aime vraiment Gaëlle Josse, j’ai lu ses quatre romans en moins d’un an…alors je donne mon ressenti, comme toujours d’ailleurs.
En fait, dans Nos Vies Désaccordées , le texte de Gaëlle Josse m’ a fait l’effet d’un morceau de diamant brut enfermé dans un éclat de roche, un peu biscornu, pas immédiatement accessible , qui nécessitait de gratter un peu pour alors atteindre une merveilleuse lumière en forme de prisme . Avec Le Dernier Gardien d’ Ellis Island , j’ai trouvé un joli diamant à la taille parfaite, tout pimpant , bien poli, mais au final moins éblouissant. C’est mon ressenti de lecteur.
Maintenant je n’ai qu’une envie, lire le prochain roman de Gaëlle Josse, mais va falloir être patient alors je relirai Noces de neige en attendant…
Le Dernier Gardien d’Ellis Island est sélectionné pour le Prix Mind The Gap 2014.
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