
J’avais 28 ans , et jusqu’à ce jour de juin, la vie s’écoulait paisiblement, neutre et sans nuages, un peu fade mais reposante. Le soleil brillait et la lavande embaumait les champs voisins.
J’étais dans la voiture, je sillonnais ma Provence natale, j’écoutais la radio, j’entendais « les ombres se chinent à me chercher des noises », j’étais détendue, en phase avec moi même, ouverte au flirt et au soleil.
J’avais rompu Arthur et définitivement avec le pauvre genre humain de type masculin. Depuis trois mois je pouvais manger des nouilles tous les soirs sans avoir dans mes pâtes un nigaud pour me casser les… oreilles .
Franchement, vivre avec un mec égoïste qui passe son temps à reluquer les seins des pétasses blondes, que nenni !
Il est notoire d’assimiler les blondes à des pétasses ce qui est stupide, j’en conviens, car non seulement tous les goûts sont dans la nature, mais encore les blondes sont aussi des femmes. Je suis brune aux yeux bleus alors ça m’arrange bien de le dire, n’attendez pas de moi une quelconque solidarité féminine, elle n’existe que dans les magazines.
Mais je sens que je m’éparpille…alors j’en reviens à Arthur : recommencer avec un homme qui me ferait l’amour sans utiliser son cerveau , sans la moindre nuance, était désormais au dessus de mes forces. J’avais décidé de revenir à mes premières amours, de me trouver une belle nana aux yeux de porcelaine, qui saurait me faire atteindre le nirvana de manière noble et sensuelle.
J’avais besoin de sucré et de salé, de nitrates et de guimauves, de caresses et de sauvageries, de noix et de chamallow et à carrefour de ma vie, seule une femme pouvait m’apporter ces sensations là.
Donc, ce jour là, je parcourais la Provence au volant de ma mini couleur nougat, avec l’œil neuf du naufragé qui sent confusément approcher l’île salvatrice.
C’est alors que la vis, elle faisait du stop, légère et très court vêtue, elle s’appelait Jade, et moi Justine, était rousse et avait du temps à perdre. Je la pris dans ma mini et lui proposais de nous envoyer en l’air sur le champ.
Jade fit alors avec moi son baptême de montgolfière et à mon avis, le pilote du seul objet volant identifié qui, comme nos vies, ne peut être dirigé, n’oubliera jamais l’érotisme torride qui se dégagea de Jade lorsqu’elle enjamba la nacelle avec sa mini jupe pour monter dans l’engin.
Et aujourd’hui me direz vous ? L’atterrissage est parfait, Jade est mon amour, ma nymphe, l’ étoile de nuit qui file dans ma voie lactée, mais chut, c’est juste elle et moi, je vous laisse imaginer nos ébats…
Douze mois plus tard…
Justine et Jade ont aménagé dans l’appartement situé au dessus du restaurant où Justine travaille. Jade accompagne les touristes dans des randonnées et des sorties « nature et culture ». Jade aime les belles choses, la nature. C’est pour cela qu’elle aime Justine.
Justine aime la candeur et la profondeur, c’est pour cela qu’elle aime Jade.
Justine, la bouillonnante, et Jade l’introvertie, ont commencé à peindre la toile blanche de leur histoire commune. Leurs vies se sont colorées et leur bonheur visuel se traduit par une osmose spirituelle et physique. Les cigales complices chantent à tue tête pour protéger leurs ébats des oreilles mal intentionnées.
Dans la petite ville, les deux jeunes femmes ont curieusement été plutôt bien accueillies pas les autochtones.
Il faut dire que les habitants des villes provençales ont déjà vu débarquer les Parisiens et les Anglais alors ils ont dû s’ouvrir…
Bien sûr, Justine et Jade ne passent pas inaperçues et les vieilles bigotes des lieux se signent à leur passage en évitant de croiser leur regard. Est ce pour sauver leur salut éternel ou celui des deux amoureuses ? Nul ne le sait.
Quand elles croisent les vieilles drapées de noir, Justine en profite alors pour donner un doux baiser à la pudique Jade qui systématiquement voit ses taches de rousseur s’empourprer. Justine est une prêtresse. Sa croyante, Jade, la sermonne entre deux baisers.
Jade a perdu ses parents très tôt, elle n’a ni frère ni soeur.
Justine, l’enfant gâtée élevée dans une famille bien pensante aurait sûrement préféré être orpheline. Ses parents ont rejeté Samuel, son grand amour de jeune adulte et lorsque celui ci l’a quittée, ils n’ont rien trouvé de mieux que de lui dire : « tu vois on te l’avait bien dit ! ». Ses parents n’ont pas davantage compris sa période estampillée « collection automne hiver d’ aventures sans lendemains ». Et aujourd’hui le fait que Justine pose durablement ses lèvres sur celles d’une autre femme l’ a définitivement séparée de sa sainte mère .
Peu importe ! Qu’elle soigne désormais son ulcère dans son coin! De plus, cela lui donnera l’occasion d’avoir quelque chose de croustillant à raconter à son psy. Pour l’anniversaire de mariage de ses parents, Justine a simplement préparé une compilation de toutes les chansons consacrant les amours du même sexe, à commencer par celle d’Aznavour que son père adorait…jusqu’au jour où la bonne parole devint une réalité familiale.
Jade, romantique nymphe au coeur d’artichaut et Justine, pin-up sexy au cœur meurtri se sont rencontrées. La probabilité de croiser son âme sœur est très faible. Lorsque le destin le permet, on devrait écrire des mots d’amour en lettres roses et les envoyer dans les nuages par fusée, au nez à la barbe des censeurs…
« Vice et vice et versa, Justine dans le vice versa, da da dap dap ! »
PS: ce texte est la compilation légèrement remaniée de deux participations aux plumes d’Asphodèle en 2012.
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