
Je retrouve ici avec plaisir cet auteur anglais génial, dont, je trouve, on parle peu et seulement pour L’ Amant de Lady Chaterley, qui est l’un des livres les plus intelligent et beau que j’ai pu lire. Amants et fils est l’un de ses premiers romans, en partie autobiographique pour le début du livre, publié en 1913.
Paul Morel, le personnage dont nous suivons la trajectoire, est le fils d’un mineur du Nottinghamshire. Son père est rustre, porté sur l’alcool , mais travailleur et pas totalement abject bien que détesté par ses quatre enfants et sa femme. Paul est très attaché à sa mère, noble et aimante, laquelle fait tourner le foyer avec le peu d’argent que lui ramène son mari de la mine.
Paul, instruit, timide et torturé trouvera une place dans une ville voisine et va croiser le chemin de deux jeunes femmes. Miriam et Clara. L’une est religieuse et en quête d’absolu en amour, l’autre est plus charnelle.
Mais Paul aime avant tout sa mère…et souvent en amour, il faut « tuer la mère » pour pouvoir aimer une compagne…et D.H Lawrence, en écho d’ailleurs à ce bon vieux Freud dont il était un contemporain, nous raconte le parcours sentimental de Paul et l’évolution de sa famille avec le temps.
» Il n’avait pas voulu admettre qu’ils s’aimaient. Leur intimité était si abstraite; l’âme, la pensée y tenaient tant de place, et ce n’avait été qu’un effort sans élan vers la connaissance de soi ; si bien qu’il ne voyait là qu’une amitié platonique. Il niait obstinément qu’il y eût autre chose entre eux. Miriam gardait le silence, ou bien acquiesçait avec calme. C’était un sot qui ne savait pas ce qu’il se passait en lui. »
Ce livre était sur mes étagères depuis au moins deux ans, et se retrouvait toujours au fond comme par hasard. Mais , ayant pour projet de lire Proust et ayant reporté le projet à 2016, j’ai voulu lire un classique, malgré les 650 pages aux lignes serrées.
Et comme j’ai bien fait, D.H. Lawrence est vraiment un écrivain génial et je vais continuer à le découvrir. Premier coup de coeur de l’année 2016 !
» Quelquefois, la vie s’empare d’un être, emporte son corps, accomplit son histoire jusqu’au bout, et pourtant rien n’est réel, et cela le laisse comme s’il n’avait été qu’un nuage qui se dissipe. »
Déjà, encore une fois avec les classiques anglais, on ne s’ennuie pas une seconde, le décor se campe petit à petit, les personnages prennent corps, puis l’histoire se déroule sans temps morts, ni complications, ni digressions inutiles.
Amants et fils est un livre aux multiples facettes, à l’instar de l’ Amant de Lady Chaterley, injustement cantonné à un roman subversif et immoral.
C’est à la fois un pan de vie du milieu des mineurs avant la mécanisation, une réflexion sur la recherche du bonheur et d’un équilibre sentimental et une magnifique histoire d’amour.
D.H Lawrence écrit magnifiquement, c’est léger comme un macaron artisanal, la coque du macaron étant juste relevée par une crème légère et parfumée.
» Dans notre intimité, le corps ne compte pas. Je ne vous parle pas par les sens mais par l’âme. C’est pourquoi, nous ne pouvons pas aimer comme les autres. Notre affection n’est pas une affection de tous les jours. Cependant nous sommes de simples mortels, et vivre ensemble, côte à côte, serait terrible, car, je ne sais pourquoi avec vous, je ne peux pas être longtemps frivole ; et vous savez, vivre au dessus de la nature humaine , ce serait la perdre ».
Ce que j’ai aimé dans Amants et fils, c’est que l’auteur magnifie à la fois la nature et le vivant, comme une toile de fond enchanteresse qui permet du coup à l’être humain d’essayer d’être bon, d’être juste, d’être en vérité avec soi-même. Je trouve que D.H Lawrence est optimiste vis-a vis de l’humain, et parfois ça fait du bien d’y croire.
Et Puis l’auteur raconte l’amour avec brio et ses mots touchent le lecteur dès lors qu’il se sent proche de Paul, Miriam et Clara.
D.H Lawrence a passé sa courte vie (mort à 45 ans) à parcourir le monde, voyager, s’ouvrir aux autres et aux idées, et cela se ressent dans Amants et fils. Lawrence était un précurseur aux idées humanistes et nouvelles, et c’est pour cela qu’il fut catalogué, censuré voire harcelé par les biens pensants et les autorités religieuses de l’époque.
Lisez ou relisez ce jeune auteur anglais , vous avez le choix entre des romans bien entendu, mais aussi des essais, des pièces de théâtre , des poèmes et de multiples récits de voyages.
Pour ceux que ça intéresseraient, ma chronique sur Lady Chaterley est : Ici.
Et pour finir, un peu de rêverie…
» Elle alla s’asseoir sur la barrière et contempla les nuages dorés, qui tombaient en morceaux , et voguaient, ruines immenses et roses, vers les ténèbres. L’or se transforma en une flamme écarlate , dont l’intensité était pareille à la douleur. Puis l’écarlate passa au rose, le rose au cramoisi, et l’état de la passion mourut dans le ciel. Le monde entier était gris sombre. Paul se laissa glisser au bas de l’arbre avec son panier, déchirant la manche de sa chemise en descendant. »

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