
Le Soleil des Scorta est une saga familiale sur près de cent ans et trois générations de Scorta. L’action se passe dans la région des Pouilles, en Italie du Sud, là où le soleil et la chaleur règnent en maître, dictant l’existence des hommes et des femmes frustes qui habitent cet endroit depuis toujours, des cul-terreux comme les appelle le curé local.
A l’origine de cette famille il y a un viol, et la naissance qui en résulte sera le point de départ d’une forme de malédiction familiale , qui se transmettra de générations en générations.
Le personnage principal du récit est Carméla, la doyenne de la lignée des Corta à la fin du vingtième siècle, qui semble ne pas vouloir ou pouvoir mourir et se confie au curé du village de Montepuccio, lieu où se déroule la quasi totalité de l’histoire.
C’est Asphodèle qui m’ a prêté ce livre et je dois dire que j’y allais vraiment pour lui faire plaisir, sachant qu’elle aime beaucoup Laurent Gaudé. Sa chronique est là si vous voulez savoir plus de choses sur l’histoire et les personnages : Chronique.
Hé bien je peux dire après lecture, que ce livre est un vrai coup de coeur et que je relirai cet auteur réputé exigeant, merci Grande Prêtresse !
D’abord j’ai aimé la peinture de ce coin d’Italie. Laurent Gaudé magnifie les éléments et créé un livre d’atmosphère. La chaleur, la terre aride, les oliviers, les pêcheurs , les paysans, le curé et la croyance en Dieu, et ce sacré soleil, que tous les Scorta mangent à pleine dent.
« Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n’y a rien à faire. Nous l’aimons trop cette terre. Elle n’offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d’entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia. Sa chaleur nous l’avons en nous. D’aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrissons. Et nous ne cessons de le manger, de le croquer à pleines dents. Il est là dans les fruits que nous mangeons. Les pêches. Les olives. Les oranges. C’est son parfum. Avec l’huile que nous buvons, il coule dans nos gorges. Il est en nous. Nous sommes les mangeurs de soleil. »
Le village de Montepuccio est particulièrement important, c’est presque le personnage principal du livre et le lien entre toutes les générations de personnages. Ce village évolue sur un siècle, un peu trop vite d’ailleurs à mon goût, Laurent Gaudé passe de l’âne comme moyen de transport au tourisme et aux migrants en quelques 250 pages seulement…
« L’âne atteignit le sommet de ce qui semblait être la dernière colline du monde. C’est alors qu’ils virent Montepuccio. L’homme sourit. Le village s’offrait au regard dans sa totalité. Un petit village blanc, des maisons serrées les unes contre les autres, sur un haut promontoire qui dominait le calme profond des eaux. Cette présence humaine, dans un paysage si désertique, dut sembler bien comique à l’âne, mais il ne rit pas et continua sa route. »
Ensuite j’ai aimé, cette thématique sur l’appartenance à une famille, sur l’hérédité, sur la tradition et la transmission d’une génération à l’autre. Dans Le Soleil des Scorta, se pose la question du que vais-je laisser à mes descendants? Quelles valeurs je vais leur transmettre, doit-on parler avant de mourir?
« Parler une fois. Pour donner un conseil, transmettre ce que l’on sait. Pour ne pas être de simples bestiaux qui crèvent sous ce soleil silencieux. »
Pour la petite histoire, je trouve que Laurent Gaudé à une prédisposition étonnante à faire mourir ses personnages : non seulement ils savent tous à quel moment ils vont mourir, même jeunes, mais encore ils acceptent facilement de passer la main !
« Les olives sont éternelles. Une olive ne dure pas. Elle mûrit et se gâte. Mais les olives se succèdent les unes aux autres, de façon infinie et répétitive. Elles sont toutes différentes, mais leur longue chaîne n’a pas de fin. Elles ont la même forme, la même couleur, elles ont été mûries par le même soleil et on le même goût. Alors oui, les olives sont éternelles. Comme les hommes. Même succession infinie de vie et de mort. La longue chaîne des hommes ne se brise pas. Ce sera bientôt mon tour de disparaître. La vie s’achève. Mais tout continue pour d’autres que nous. »
Au niveau du style, le récit est rythmé, toujours bien mené, sans temps morts, facile à suivre même si parfois je me suis un peu mélangé les pinceaux entre les prénoms des générations de Scorta. C’est une belle écriture, recherchée mais sobre, sans complications particulières, sans mots compliqués, sans langage culturo-intello- asse bonbon, le livre a pourtant eu le Prix Goncourt mais souvent le Goncourt récompense des livres à la fois grand public et de qualité, c’est dans la définition du prix même si dans les faits…
Certains passages sont vraiment très très beaux , forts et puissants.
Et puis, au final, j’ai entendu une petite musique sur le sens de la vie, du travail, le poids de la sueur , le temps qui passe, la jeunesse et la vieillesse. Et cette musique m’a touchée et fait réfléchir, aimer un livre est aussi une question de moment.
« Quand tu te bats pour quelque chose, quand tu travailles jour et nuit comme un damné et que tu n’as plus le temps de voir ta femme et tes enfants, quand tu sues pour construire ce que tu désires, tu vis les plus beaux moments de ta vie. Crois-moi.
Il faut profiter de la sueur, Elia. Souviens-toi de cela. Après, tout finit si vite, crois-moi. »
En somme, j’ai adoré Le Soleil des Scorta et je le conseille au plus grand nombre. Ceci dit prenons aussi le temps de voir nos femmes ou maris… 😀

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