
Première diffusion le 02 novembre 2013, pour les plumes d’Asphodèle.
Île de Kerguelen, terres australes françaises, 02 novembre 2013.
Croyez-vous comme le prétendent les censeurs que la passion ne soit qu’une onde bienfaisante poussée à son paroxysme, toujours vouée à l’échec?
Confirmez-vous que si elle permet forcément de transformer un coup de foudre en éclairs, sa lumière ne serve qu’à naviguer à l’aveugle dans l’inouïe profondeur de son propre vide intérieur?
Pensez-vous que la passion se subisse et entraîne l’être humain vers des ténèbres où seul le manque éclaire les souterrains boueux menant aux âmes en peine ?
Croyez-vous que la solitude du passionné ne soit qu’une angoisse de la perte imminente de l’autre qui l’oblige alors à répéter sans cesse l’acte d’amour pour avoir l’impression d’exister et de retarder la déchéance?
Estimez-vous que l’acte d’amour sans cesse répété condamne les amants à l’errance, comme si aucune rue ne donnait jamais sur aucune porte ?
Voyez-vous la fièvre des amants enlacés comme des larmes en ébullition qui viennent se ressourcer là, pour mieux les assaillir après leurs ébats assourdissants ?
Détrompez-vous !
L’acte d’amour passionné peut être apaisant et exaltant, il suffit de le pratiquer régulièrement, plusieurs fois par jour, dans un silence verbal absolu et une hystérie frénétique, pour oublier le temps qui sévit et la vie qui se tend.
Je sais de quoi je parle, à toute heure et dans toutes les positions je me donne à lui, je m’abandonne à lui, et me plonge dans la couleur obsidienne de ses yeux. Juste lui et moi.
Je l’aime débout, sur ma couche, assise, c’est selon nos humeurs mais je préfère l’aimer à genoux, la bouche entièrement offerte , presque béate de satisfaction et sans aucune ambivalence.
Ne soyez pas choqués, comprenez-moi : Seule la musique sacrée de ses gémissements ensanglantés me parle. Je veux qu’il me prenne dès qu’il le désire et autant qu’il le désire, qu’il rentre au plus profond de moi, de la rosée du matin à la lune rousse du soir.
Je veux me laisser pénétrer et pouvoir jouir en paix.
Ne soyez pas choqués, ne me jugez pas, vivez pleinement vos vies et vous transformerez les orages en lacs paisibles et reposants.
Sœur Béatrice, Monastère de la Désolation.
Note de l’auteur : il n’y a aucun monastère aux Kerguelen, mais Soeur Béatrice existe vraiment…

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.