Le temps fait une sorte de ménage dans les souvenirs, on oublie ce qui déchire, ce qui écrase de peine, et on arrange sa vie pour avoir un peu l’anesthésie.
Sylvain a 29 ans. Il met fin à ses jours en se pendant dans la maison de campagne de ses parents. Aucune explication, aucun mot, aucune raison objective. Pas le moindre signe de dépression ou de mal de vivre , rien qui ne pouvait laisser penser cela.
L’entourage de Sylvain va être confronté à ce drame, et dans un besoin de continuer à dialoguer avec lui, va essayer de survivre, de comprendre. Il y a son père, Vincent, et sa mère, Muguette . Il y a sa femme, Mélanie -Lyne et son fils, leur fils, Stéphane, âgé de 5 ans au moment des faits. Et enfin il y a Charlène, la maîtresse de Sylvain, chez qui il passât sa dernière soirée, une soirée de sexe, avant de quitter Charlène avec le sourire et d’aller de suicider.
Sylvain a commis un acte désespéré. L’était-il? Sans doute. Il n’a rien dit, rien écrit, rien laissé pour nous aider à comprendre. Cela signifie peut-être qu’il ne souhaitait pas être deviné, compris ou entendu. Ce qui ne me rend pas moins responsable. De ma vie. De celle des gens qui me sont chers.
C’est le premier livre de Marie Laberge, auteur canadien phare dans son pays, que je lis. Je dois dire que deux des personnages s’expriment en parlé canadien, et qu’au départ cela m’a un peu gêné. Heureusement, non seulement on s’y fait très vite mais les 2/3 du récit se déroule en français littéraire si je puis dire.
Veux-tu me dire pourquoi je te parle ? Certainement pas parce que t’es parlable. T’as jamais pris la peine de répondre dans le temps que j’étais là, pourquoi je m’acharne à te parler ? Je dois être folle . Faut-tu avoir besoin pour parler à des morts…remarque t’es le seul à qui je parle. Les autres sont morts, pis ça finit là. Toi…c’est sûr que t’es mort, mais t’achales, tu reviens, tu restes collé comme si y avait de quoi à rajouter, comme si ça voulait pas finir là.
Ceux qui restent est un livre puissant et qui ne peut laisser indifférent le lecteur. Le suicide de Sylvain est expédié en deux pages et Marie Laberge donne la parole à chaque proche de Sylvain, à tour de rôle. Au départ, il s’agit d’un dialogue entre chacun et le défunt, puis l’interaction entre les personnages se met en place et la vie continue, comme elle le peut. L’histoire des personnages du roman se poursuit pendant une vingtaine d’année après la mort de Sylvain.
Ce qui m’a vraiment touché, c’est qu’il n’y a jamais de pleurs sur Sylvain, ni de jugement. Le suicide était son choix et malgré la douleur terrible de chacun, ce choix est respecté. Les personnages arrêtent même assez vite de chercher une explication à quelque chose qui n’en a pas.
La force de Ceux qui restent, qui n’est pas un livre sur le suicide mais sur le deuil et l’émoi profond d’êtres humains ordinaires confrontés à un drame extra-ordinaire.
La mort de quelqu’un qu’on aime, ça nous oblige à considérer comment on vit. A quel prix, à quel renoncement on consent. La mort de Sylvain m’a obligé à tout remettre sur la table. Et à essayer de voir qui j’étais vraiment. Et à vivre avec cet homme-là, sans haine.
Comment ne pas culpabiliser d’être encore en vie, comment ne pas vouloir mourir à son tour, comment continuer à vivre, à ressentir des émotions, à aider l’autre, à ne pas se focaliser sur sa propre souffrance et au final comment arriver encore à aimer ?
C’est tout cela qui est au centre des mots de Marie Laberge.
J’ai beaucoup aimé par le style de l’auteur, qui ne prend jamais de gants, qui regarde la vérité en face, qui ne s’apitoie pas plus sur Sylvain que sur sa famille, qui ne juge personne.
S’il fallait échapper à tout ce qui enlaidit la vie, à tout ce qui l’altère, la rend souffrante et surtout nous rappelle sa finitude, est-ce qu’on serait encore des êtres humains? Ou des béats hébétés et gras, ravis de se goinfrer d’une violence télévisée qui, en aucun cas, ne devrait nous effleurer?
On est happé dès le début par son regard et on est forcément touchés par l’un ou l’autre des personnages. Le père de Sylvain et sa maîtresse, sont les maillons forts de l’histoire et l’on n’est pas près d’oublier leur personnage.
Et puis, du début à la fin, il y a une construction habile, un crescendo dans l’émotion et la renaissance ce certains et le déclin d’autres. Marie Laberge s’offre même le luxe de mettre du suspens psychologique dans cette histoire racontée à trois voix principales.
Ceux qui restent est un vrai coup de coeur et je relirai Marie Laberge bientôt !
Pas du tout un livre pour moi.
Pourquoi ? Ce n’est pas larmoyant, mais la thématique initiale n’est pas gaie !
Parce que, pendant quelques années, j’ai entendu « j’ai lu un livre sur le suicide, j’ai pensé à toi, tu devrais le lire ». Donc, pas envie : même l’assistante sociale m’avait donné une brochure pour prévenir le suicide chez les élèves.
Je comprends alors.
Ceci dit ce n’est pas un livre sur le suicide et encore moins sur la prévention ou comment repérer des signes. Elle raconte la vie des proches du suicidé, du suicide jusqu’à des années après…C’est sur le deuil, la vie qui continue, la vie mais pas sur la mort.
Oui, mais c’est aussi ce que je vis depuis le 21 mars 1998 – l’après. Donc toujours pas envie.
Ha mince…c’est certain que si tu as vécu le suicide d’un proche, c’est compliqué de lire ce genre ce livre.
J’aime beaucoup les écrivains québécois. De cette romancière, j’avais lu « Quelques adieux » et j’avais apprécié son style.
Je n’en connais quasiment pas, mais celle ci est vraiment bien ! A suivre 😀
Je reconnais bien le style de Marie Laberge qui marie le québecois et le français sans qu’on s’y perde et c’est sûr qu’elle a un don pour créer des personnages inoubliables ! J’ai encore, en tête, très vivaces, ceux de sa trilogie ! (Le Goût du bonheur : Gabrielle, Adélaïde, Florent) ! Sincèrement, je suis certaine que ça te plairait… j’dis ça j’dis rien ! ;). Je lirai celui-ci et d’autres, c’est certain !
Mais elle parle de quoi cette trilogie en résumé ?
De tout ! 😀 La vie dans une famille au Québec entre 1920 et 1967, avec les contraintes d’alors (pour les femmes)… C’est très romanesque mais Marie Laberge a su y mettre du piquant, les personnages sont très forts (même les secondaires) et il y a sans cesse des rebondissements qui la rendent trèèèèès addictive. En bref, à travers la vie de cette famille et des personnages-titres, elle brosse un tableau du Québec de l’époque, de l’importance de la religion (au départ), dans les 2 autres tomes c’est encore autre chose…bref il faut que tu essayes, je peux t’envoyer Gabrielle si tu veux, le Tome 1, tu essaieras et si ça ne te plaît pas et bien tu laisseras ! 😉
Je plussoie 🙂
La trilogie c’est encore mieux au niveau saga que celle d’Elena Ferrante (dans un tou autre style)
🙂
Bisesss Zaza et Patou 🙂
Hola, la jument Verte…tu cherches un coup de cravache ou quoi ??? 😀 😀
Hé bien, je te l’emprunterai cet été si tu veux bien, j’ai assez à lire pour le moment, mais je vais essayer. A la rentrée, on aura peut être le tome 4 de la saga d’ Elena Farranté 😀
Je plussoie aux propos d’Asphodèle ! J’ai adoré ce livre et plus encore sa trilogie (groooos coup de coeur !)
Bon alors cette trilogie , je vais tenter de lire le premier volume 😀
Je suis tentée aussi; merci et bonne journée
Alors n’hésites plus, tu peux en plus le trouver d’occasion chez Gibert si tu es adepte comme moi de l’occasion. Une belle découverte que cette auteur.
A très bientôt !
J’ai beaucoup aimé sa trilogie. Mais je crois que je ne lirai pas ce livre même si c’est un de tes coups de coeur…
De quoi parle sa trilogie en fait ? J’ai oublié….
Mais c’est pas moral du tout, cette histoire, Mindounet 🙄
Et not’ Valentyne qui trouve la maîtresse super…
A 29 ans, marié, un petit garçon de 5 ans ET une maîtresse (pour le sexe) CA ME CHOQUE grave 😆
Il a sans doute pris conscience de ce qu’il faisait, hein !
A jouer ainsi avec le feu, on s’y brûle…
Que dire d’autre ? que j’aime bien la première citation.
Gros bisous d’une « vieille dame » indignée 😆
Non pas du tout justement ! Et au contraire, sa double vie lui était salutaire je pense !
Mais tu as le droit de trouver cela contre la morale, chacun ses ressentis !
Bisous (bis) 😀
Ca m’étonne de toi, Poussinet Mindounet, ou bien alors tu as besoin de te défouler ? 😉
Elle en pense quoi Ta Douce ? 😆
Je plaisantais, bien sûr, à mon âge, presque plus rien ne me choque, et chacun vit sa vie à sa guise, car on en a qu’UNE, faut pas l’oublier 😉
Gros bisous d’été
Ha mais non, je confirme mes dires 😀
La Douce n’a pas lu le livre mais j’espère qu’elle le fera, c’est un vrai beau livre, une histoire dont on se souvient !
Il me fait peur ce livre ! Un suicide sans explication ? Moi qui passe du temps à M inquiéter pour ceux que j aime. ..
Bah non, le suicide tient sur une page, c’est l’après, la reconstruction. Y a t-il jamais une véritable explication à un tel acte ? Un élément déclencheur ou plusieurs oui, mais jamais vraiment une explication satisfaisante. Ici, il n’y en a aucune, c’est aussi la force de ce livre. Ceci dit, je comprends que ça ne tente pas plus que ça 😀
oui, j’avoue que je ne vais pas pouvoir…
No souci !
Ce fut un coup de cœur pour moi aussi 🙂
Quel personnage cette Charlène 🙂
Bisesss
Tout à fait d’accord, c’est elle le pivot de l’histoire et c’est une sacré nana. Vincent aussi ceci dit. Bien cette Québéquoise !
Bisous.
Je me laisse tenter… y a plein de choses qui me font écho à la lecture de ton billet😉
J’espère qu’il te plaire autant qu’à moi…c’est une vraie belle découverte pour moi 😀