Un été à quatre mains de Gaëlle JOSSE – 2017

Ce court texte de Gaëlle Josse , aborde quelques mois de la vie de Franz Schubert, le célèbre musicien viennois. Nous sommes en 1824, à la fin du printemps. Le compositeur se rend en Hongrie, dans une famille aristocratique où il sera le professeur de musique des  deux comtesses de la maison, enfin du château, Anne 21 ans et Caroline 19 ans. Six ans auparavant, Schubert avait déjà enseigné auprès des deux filles de la baronne et du comte d’ Esterhazy.  Entre temps, Schubert est devenu célèbre dans le milieu des compositeurs classiques, mais il est resté pauvre, bohème, sans logement fixe, n’obtenant pas la reconnaissance critique et publique. Entre temps également, Caroline est devenue une belle jeune fille et Schubert tombe amoureux…

Si dans la réalité Schubert est bien allé en Hongrie pendant cinq mois en 1924, s’il est bien tombé éperdument amoureux de Caroline , au point de lui dédier , quelques temps avant sa mort, peut-être sa plus belle création musicale, on ne sait pas si l’amour fut réciproque. On sait qu’il rentra à Vienne et ne revit jamais Caroline et Gaëlle Josse imagine dans Un été à quatre mains, une réciprocité amoureuse contrariée par la cuisante différence de classe et de statut, entre une riche fille de l’aristocratie et un artiste sans le sou.

Chaque histoire de vie, chaque destin possède ses trous noirs, ses terres d’obscurité et de silence, ses creux et ses replis. On devine parfois qu’ils « bourdonnent d’essentiel » comme l’écrivait René Char. On devine qu’en leur secret, derrière le rideau, se sont joués des moments décisifs, dont les harmoniques continuent à irradier la vie, longtemps après

Et c’est bien là tout l’intérêt et la force du récit. Cette ébauche de passion est racontée de manière aérienne et subtile par l’auteur d’Un été à quatre mains, dans une partition amoureuse réussie et belle.

On apprends aussi beaucoup de choses sur Schubert, sur la société viennoise de l’époque et l’on sent tout l’amour de Gaëlle Josse pour la musique classique, pour le musicien en particulier  et pour  la ville de Vienne, qu’on a tout de suite envie d’aller visiter après avoir refermé le livre.

La force de ce livre très court, est d’exploiter un évènement biographique réel de la vie de l’artiste, pour brosser un portrait intimiste et sensible de l’homme, au delà du musicien de génie. Et pour tisser les liens d’une histoire d’amour remarquable : le passage où le musicien compose des pièces à quatre mains qui lors du jeu sur le piano obligent les mains de Caroline de croiser et frôler les siennes est très beau.

Pour l’heure, Franz attend Caroline, Cardine comme l’appellent ses proches pour sa leçon du jour. Il improvise fébrile. Chaque jour un peu plus fébrile. Un peu plus impatient. Elle arrive. Enfin. S’installe sur le tabouret recouvert de velours broché, ajuste sa distance par rapport au clavier. Docile, attend que son professeur lui demande de jouer. Attend ce qu’il va en dire. Ses yeux immenses qui lui font face, qui semble dévorer tout son visage, et ce sourire grave, retenu et tendre à la fois. Elle se tourne vers lui avec lenteur.A chaque fois, il ne peut s’empêcher de remarquer cet écart entre cette lenteur qui l’habite et cette surprenante agilité au piano. Franz aime l’entendre jouer. Elle comprend sa musique. La musique des paradis perdus. Il n’a rien d’autre à dire. C’est pour elle qu’il écrit désormais. Lorsqu’il compose un quatre-mains, c’est pour elle qu’il écrit tel trait, qu’il invente tel croisement de main, sans nécessité le plus souvent, mais qui permettent à leurs mains et leur bras de se frôler, de danser ensemble. Qu’espérer d’autre ?

En bémols, je dirais que malgré la brièveté du propos, j’ai remarqué des répétitions qui m’ont un peu titillées et quelques retours un peu trop fréquents sur la ville de  Vienne et la vie populaire menée par Franz dans la cité à mon goût (même si j’adore l’ Apfelstudel par ailleurs)…

En résumé, j’ai dévoré cette histoire, qui est parmi mes préférées dans tout ce qu’à publié Gaëlle Josse.  Quand on sait que  la musique classique me fait  autant d’effet qu’une chanson de Mireille Mathieu, j’irai presque écouter du Schubert tellement j’aurais envie de retrouver son amour pour Caroline dans sa musique…

 

 

 

 

32 réflexions sur “Un été à quatre mains de Gaëlle JOSSE – 2017

            1. Livre très particulier et pavé, certains n’arrivent pas à e lire, d’autres détestent, d’autres l’encensent (dont je fais partie). Belles vacances encore, profites, gros bisous jumelle astrale 😀

  1. soene

    Hello Mindounet
    Je note moi aussi ce roman car j’aime beaucoup l’écriture de Gaëlle Josse.
    Et j’adore quand l’Histoire est romancée 😆
    Je ne suis pas trop « piano » et les musiciens super classiques m’endorment un peu mais je ne crains pas de passer un moment avec de la « grande musique » 😆
    Bon dimanche et gros bisous

  2. J’étais sûre que tu aimerais ! Mais j’ai des disques de Schubert à la maison, si tu veux… arf ! 😀 J’ai post-ité les mêmes passages que tu cites, je ne sais pas si ce sont ceux-là que j’avais choisis pour mon billet ! Je n’ai pas remarqué les répétitions, tu deviens chichiteux dis donc !!! 😆

    1. J’ai regardé, le premier extrait est dans ta chronique, pas le second. Disons que s’il y a amour impossible et le milieu des artistes, ça part bien, mais le texte est subtil et l’histoire très belle. Ha bon tu as des vinyles?? Faudra vraiment que tu me les montre, j’aime les disques…promis je ne me moquerai pas en voyant les artistes..
      😁

  3. Gaelle Josse semble tres forte dans les textes courts, j’avais beaucoup aime les heures silencieuses. Meme si je ne me souviens plus tres bien des details de l’histoire, il m’en reste l’impression de cette force de recit condense dans quelques pages et cette impregnation a la musique egalement.