
Ceux qui vous quittent vous laissent dans le doute d’être encore fréquentable. C’est peut-être la pire chose qu’ils vous font. Vous laisser croire qu’après eux, plus personne ne vous aimera.
Agatha Christie vient de perdre sa mère, elle est en panne d’écriture et son mari veut divorcer au profit d’une autre femme, plus jeune. Elle a 36 ans et se retrouve en pleine « middle life crise ». Elle va orchestrer une disparition, laissant d’un côté croire qu’elle est peut être morte, mais d’un autre, elle indique sa destination reelle dans une lettre envoyée à son beau-frère : un hôtel dans une station thermale du Yorkshire…
Frédérique Deghelt apporte ici une pierre à l’édifice de ce moment de vie de la célèbre Agatha Christie, souvent raconté , enfin souvent imaginé, en littérature. Ce travail s’inscrit d’ailleurs dans une collection qui a pour but de réinventer la vie de personnages célèbres en les transformant en personnage de roman (par exemple, David Foenkinos s’était intéressé à John Lennon dans la même série).
Au final, j’ai aimé cette Agatha, j’ai appris des choses multiples sur la vie de la romancière et j’ai retrouvé la sensibilité de Frédérique Deghelt et son habilité à tracer le portrait et les pensées intimes de ses personnages, des femmes le plus souvent.
Toutefois, ce roman n’est vraiment pas son meilleur, peut-être que l’exercice était un peu trop contraignant, toujours est-il qu’il y a beaucoup de répétitions et parfois des longueurs. Certes, Agatha qui ne supporte pas l’idée d’être quittée par son mari qu’elle aime toujours est au bord du gouffre, elle ressasse en boucle cette rupture, mais du coup le récit perd parfois de son intérêt…
Il reste qu’ Agatha est un récit romanesque intelligent qui apporte une réflexion sensible sur plusieurs questions.
Tout d’abord, l’amour, la passion, la rupture également.
Les seules histoires d’amour viables et véritablement romanesques n’existent que dans la fiction. Prenez Roméo et Juliette au hasard. Vous les imaginez plus vieux, ayant aligné plusieurs dizaines de dîners de famille avec leurs parents respectifs qui se haïssent ? Et nous qui n’aurions jamais fiché au creux du coeur, l’ingéniosité du plan de Juliette et la fatalité du destin qui l’a fait échouer? Sans ce cri du Roméo découvrant sa bien-aimée sans vie, et le désespoir de Juliette mettant fin à ses jours juste après lui, la puissance de l’amour n’existe pas. En amour sans Shakespeare, il ne reste que l’histoire mièvre et sans attrait de la plupart des couples qui jouent à se rencontrer comme s’ils étaient voués l’un à l’autre, alors que leur histoire est promise au gouffre.
Ensuite, le temps qui passe et les questions existentielles qui se posent quand on arrive à la moitié de sa vie.
La jeunesse n’est pas une question d’âge. Elle s’en va, je crois, quand on perd ses illusions.
Les souvenirs ne devraient servir qu’à bercer nos mélancolies de ce temps où nous trouvions la vie amusante, et seulement ça ! Après…mais après quoi d’ailleurs ? c’est un mystère non éclairci. La vie devient grave, les moments de bonheur se teintent d’une austérité incompréhensible et le côté amusant disparaît. Y a t-il une raison valable pour que notre insouciance se fasse ainsi la malle?
Enfin, la question de l’écriture, des inspirations et des pannes des auteurs, de l’opposition entre vie réelle et vie romancée. Agatha s’invente un personnage lorsqu’elle est dans cet hôtel du Yorkshire, incognito, pour pouvoir s’insérer dans la clientèle de l’hôtel.
Il faut noter que dans la vraie vie, Agatha Christie ne voulut jamais raconter cet épisode très douloureux de sa vie, ni dans ses romans, ni dans son auto-biographie. Elle plaidera toujours l’amnésie, pour expliquer cette disparition…
Ce livre vous tente ? Laissez-vous porter par les mots de Frédérique Deghelt et la vie d‘Agatha...
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.