Aimer soutient mais ne sauve pas. Pas de rachat.
Diane a 30 ans. Elle est fâchée avec sa mère, Yseult, depuis sept ans et en opposition constante avec elle quasiment depuis sa naissance. Alors que les deux femmes se sont perdues de vue, Diane reçoit un appel de la morgue : elle soit aller reconnaître le cadavre d’ Yseutl, laquelle s’est suicidée en se jetant d’un pont , par une journée d’hiver. D’abord en colère, puis sonnée, puis complètement déséquilibrée dans sa vie , Diane va devoir affronter l’ombre aveuglante d’ Yseult, à partir de la lumière trouble des bagues qu’elle a laissées…
J’ai découvert cette année Marie Laberge avec Ceux qui restent, qui fut un vrai coup de coeur. Je me suis donc rué dès la sortie de ce roman qui est en fait une réédition puisqu’il s’agit de l’un des premiers livres publiés par l’auteur, en 1994 au Canada, son pays d’origine.
Et je dois dire que je n’ai pas été déçu.
Je commence néanmoins par un bémol , Le poids des ombres raconte globalement la même chose que Ceux qui restent : faire face au suicide inexpliqué d’un proche et continuer sa vie en intégrant contre son gré celle du disparu. Egalement quelques faiblesses dans la construction du récit, le rythme du livre si je puis dire.
Pour le reste, c’est un roman très fort sur la relation mère-fille, qui oscille en permanence entre l’amour et la haine, la fascination et la répulsion, tant les deux femmes sont en opposition . Yseult est passionnée, hors cases, lucide et cynique, Diane est dans le rêve, l’illusion et le reproche permanent à Yseult qui ne correspond pas à son modèle. Cette fracture la rend jalouse.
Ce qui est génial dans le livre de Marie Laberge , c’est qu’elle arrive à nous faire aimer ces femmes et parfois aussi à les détester. Je dirais même qu’elle parvient à retourner le lecteur au fur et à mesure de la progression de l’histoire. Yseult qui semble au départ insensible et monstrueuse devient humaine et quelque part digne et capable d’amour. Diane, elle, qui semble victime et délaissée, apparaît égoïste et possessive.
Y’a deux luxes dans la vie, le plaisir et la volupté. T’aimes ni un ni l’autre.
Et puis, la plume de Marie Laberge est vraiment belle. Elle fait partie des auteurs qui aujourd’hui m’intéressent vraiment, ceux qui écrivent avant tout avec leur coeur, leurs, tripes, qui laissent entrevoir leur vérité, leur vraie sensibilité . Les auteurs qui parlent avec leur tête et intellectualisent me laissent froid de plus en plus je crois. Marie Laberge ne mâche pas ses mots et dans Le poids des ombres, il y a des passages à la fois âpres et acres mais aussi des envolées dont la sensibilité me touche…comme ici :
Si tu trouves un seul souvenir réconfortant, garde-le pour les aubes navrantes. Ne te laisse pas emporter par ton imagination dramatique qui construit des sagas tragiques aux fins lugubres.
Je sais que je relirai cette auteur prolifique et que j’y trouverais encore mon bonheur de lecteur.
Et ce beau passage pour finir…
La beauté, la volupté, le plaisir…ça ne rachète rien ? Dans l’épaisseur de la vie, aucune légèreté tu crois ? Il reste si peu dans nos mains à la fin d’une vie, si peu…il doit bien y avoir quelques grains de sable échappés du sablier impitoyable , quelques grains de sables qui s’incrustent dans les lignes de la main. Yseult, que mes mains n’ont pas retenue…
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