Les loyautés de Delphine de Vigan – 2018 – Lattes- 0.08€ la page

Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d’autre qu’à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement. Et tenir les promesses de l’enfant que nous avons été.

Théo et Mathis sont deux collégiens au début de leur adolescence. Ils sont issus  d’une famille fracassée pour l’un et en voie de l’être pour l’autre. Dans leur collège, ils ont trouvé une planque pour se réfugier et boire en cachette, des flasques ou des mini bouteilles d’alcool qu’ils se procurent comme ils peuvent. Hélène, professeur de SVT voit bien que Théo est différent de la norme, qu’il ne va pas bien et qu’il cache une souffrance , mais laquelle ?

Commencer 2018 par le nouveau livre de Delphine de Vigan est à la fois pour moi un bonheur et une évidence. Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas trop, c’est l’une de mes auteurs âme-soeur.

Je dois dire qu’après la déferlante Rien ne s’oppose à la nuit et le succès phénoménal de D’après une histoire vraie, j’étais à la fois curieux et heureux de la retrouver avec un roman, pour peut-être revenir à ses histoires belles et fortes dont elle a le secret.

Après avoir dévoré Les loyautés, je dirais que j’ai été à la fois comblé et frustré.

Comblé, parce que Delphine de Vigan apporte une pierre précieuse supplémentaire à son oeuvre et aborde une fois de plus la solitude humaine, dans toute sa splendeur terrifiante. On retrouve son obsession autour de l’enfance meurtrie , volée, violentée, son amour des êtres humains blessés et aussi le métro parisien !  On retrouve sa plume légère et puissante comme les premiers flocons de neige qui parviennent à adhérer sur le sol gelé.

On retrouve aussi cette idée troublante que l’autre, même très proche, est toujours une énigme, parfois même un inconnu, et c’est bien flippant !

Chacun de nous abrite-t-il quelque chose d’innommable susceptible de se révéler un jour, comme une encre sale, antipathique, se révélerait sous la chaleur de la flamme ? Chacun de nous dissimule-t-il en lui-même de démon silencieux capable de mener, pendant des années, une existence de dupe ?

Frustré, parce qu’en adoptant un très court texte (206 petites pages) qui est pour moi plus une grosse nouvelle qu’un court roman, l’auteur a produit un texte un peu réducteur je trouve, par rapport à ses autres longs romans. La fin ouverte pourra satisfaire tout le monde mais la progression pourra sembler à vitesse forcée et les détracteurs de la belle Delphine diront qu’elle en fait trop sur le pathos ou la sensibilité du lecteur en n’ampoulant pas ses mots dans des formules intellos ou métaphoriques.

Les loyautés envers sa famille, ses parents, ses amis, ceux que l’on aime peuvent être pesantes et destructrices pour soi-même. Elles sont respectables et courageuses, mais ô combien dévastatrices quand on est enfant ou adolescent.

Ce sont les lois de l’enfance qui sommeillent à l’intérieur de nos corps, les valeurs au nom desquelles nous nous tenons droits, les fondements qui nous permettent de résister, les principes illisibles qui nous rongent et nous enferment. Nos ailes et nos carcans.
Ce sont les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves.

En résumé, un livre absolument indispensable pour tout lecteur qui a un jour été saisi par l’humanité brute de l’auteur et son hyper sensibilité. Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, je conseillerais de découvrir Delphine de Vigan avec Un soir de décembre, un roman dont on a beaucoup moins parlé que les autres et que personnellement j’adore.

Un grand merci à Estelle qui m’a offert ma première lecture de 2018.

39 réflexions sur “Les loyautés de Delphine de Vigan – 2018 – Lattes- 0.08€ la page

  1. 0.08eur/page :)) Je suis fan de l’auteur depuis ses deux derniers bouquins et je ne savais pas que celui-ci était si court… bon, je me réjouis quand même à lire le reste de ton billet!

  2. Bon, ben , je ne sais pas… elle m’a tellement agacée dans « d’après une histoire vraie » que je ne suis pas encore prête. Et puis, je suis en train de lire un bouquin à 0,03 euros la page, alors je peux pas 😉

  3. saxaoul

    J’ai éclaté de rire en voyant que ta manie de nous indiquer le prix/page était de retour !
    J’aime bien Delphine de Vigan sans être une inconditionnelle non plus. Je le lirai, c’est certain, mais je n’en fais pas une priorité. Le sujet me parle beaucoup. J’appréhende cependant un traitement trop bref. En plus, je ne suis pas une adepte du format court.

  4. Il y a de très beaux passages qui ne me parlent pas forcément (j’ai eu une enfance heureuse et devenir adulte ne se résume pas à une « réparation » en ce qui me concerne) mais le billet de Béa et sa frustration sur la fin (trop) ouverte ou mal fermée me refroidit un peu ! En revanche « Un soir de décembre » m’attire, ce sera peut-être mon prochain d’elle, ça fait longtemps que je ne l’ai pas lue . Toi tu ne faillis pas à ta réputation d’aficionado, tu as toujours des trémolos dans la voix quand tu en parles et c’est très bien ! 😆 Bisous♥

  5. Le sujet de ce livre me parle beaucoup, moi qui suis en pleine introspection…
    C’est énorme de lire:
    « Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d’autre qu’à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement. Et tenir les promesses de l’enfant que nous avons été. »
    Oui, je vais me jeter dessus, et c’est vrai que c’est assez rare chez moi, cette envie d’aller vérifier par moi-même les promesses d’une chronique littéraire. mais tu en parles très bien.
    Ça donne envie.
    Merci Mindounet pour ce jalon important dans ma quête.
    Bisous
    ¸¸.•*¨*• ☆

  6. estellecalim

    Je suis contente qu’il t’ait plu, même si apparemment, il ne faut pas attendre de grands bouleversements de la fin du livre !
    J’ai aussi beaucoup aimé la mention du prix à la page dans ton titre 😆. Du coup, je m’interroge depuis quelques minutes sur le fait que ce soit cher ou pas 🤔 Sans doute un peu, mais à quel aune le jugerait-on ? C’est quand même du boulot d’écrire un roman. (bon, c’était la minute philo du matin, je te laisse maintenant, j’ai des trucs plus triviaux à faire 😁)

    1. J’aime bien déranger un peu, j’avais fait un article avec des comparatifs des prix à la page, du coup j’ai continué…
      Beau livre encore une fois, je ne suis jamais déçu par Delphine de Vigan, même si pour moi, ce ne sera pas mon préféré !

  7. Je partage ton point de vue: j’ai beaucoup aimé , écriture, histoire tout est bon, juste, sensible … mais la fin m’a terriblement énervée … pour moi ce n’est même pas une fin ouverte … il n’y a pas de fin. C’est quand même très dommage et rageant …

  8. Hello Mindounet
    J’ai dû manquer un épisode 🙄
    Pas plus tard qu’hier, je me demandais quand tu allais reprendre un petit compagnon à poils !
    Valentyne m’a donné la réponse 😉
    Tu nous en parleras sûrement ici !
    Delphine de V me déprime un peu. Sa vie est compliquée, j’ai besoin de légèreté et de bisounourserie en ce moment. Et puis, j’ai plus envie de lire… Je crois que je vais aussi abandonner le Club de Lecture 🙄
    Tu vois, ma « révolution 70 » a commencé 😆
    Merci pour ce partage et gros bisous

    1. Non tu n’as rien manqué, je n’en ai pas parlé ici et c’est pas sûr que j’en parle…c’est sur FB que Val l’a vu !
      Pour le club de lecture, c’est quelque chose que je ne pourrais pas faire, à la fois faute de temps mais aussi pour pouvoir vraiment choisir toutes mes lectures.
      Delphine de Vigan est pour moi comme une grande soeur…mais en effet son univers est noir et déprimant !
      Bisous !

  9. Coucou Mind 🙂
    Forcément après ton billet je note (je note aussi « un soir de décembre » que j’essaierai de lire en …décembre prochain, cela me laisse du temps 🙂
    J’aime beaucoup cette auteure (je viens de lire rien ne s’oppose à la nuit » (oui je ne suis pas en avance 🙂
    Bisous à toi à la Douce (et au nouveau de la maisonnée)

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