« Le roman, c’est la clé des chambres interdites de notre maison » Aragon, cité par l’auteur au début du récit.
Dans ce premier roman, Isabelle Carré évoque son enfance, ses parents, son adolescence , ses premières amours, et son parcours vers le théâtre…notamment. C’est le récit d’une famille un peu atypique, un peu déglinguée, un peu trop hors des normes communes dans les années 70.
Notre vie ressemblait à un rêve étrange et flou, parfois joyeux, bordélique toujours, qui ne tarderait pas à s’assombrir, mais bien un rêve, tant la vérité et la réalité en étaient absentes. Là encore, et malgré la sensation apparente de liberté, il fallait jouer au mieux l’histoire, accepter les rôles qu’on nous attribuait, fermer les yeux et croire aux contes.
Les rêveurs part de faits authentiques , autobiographiques, qui sont ensuite racontés de manière romancée, un peu comme un puzzle de vie où il manquerait des pièces que l’auteur fabriquerait pour qu’elles s’imbriquent aux pièces disponibles.
Au final, comme le relève Isabelle Carré, c’est un livre un peu foutraque, qui manque d’unité, mais qui révèle une part de vérité de cette femme sensible et bienveillante. Pas de règlement de compte ici, pas de ruptures brutales, et pourtant il pourrait y avoir de quoi vu le pedigree des parents, si je puis dire…
Et pour un premier roman, c’est une plume toute en finesse et sensibilité, qui ne cherche pas à en mettre plein les yeux ou à émouvoir, mais qui cherche juste à toucher le lecteur en lui disant la vérité, enfin une vérité.
Je me réside où réside, où se cache la blessure secrète où tout homme court se réfugier si l’on attente à son orgueil, quand on le blesse ? Cette blessure – qui devient ainsi le for intérieur- , c’est elle qu’il va gonfler, emplir. Tout homme sait la rejoindre, au point de devenir cette blessure elle-même, une sorte de coeur secret et douloureux.
C’est parfois drôle, parfois décalé, et parsemé de références littéraires qui sont chères à l’auteur.
Ce faisant, on aborde des thèmes encore très actuels, comme la condition des classes, l’homosexualité, les séjours en hôpital psychiatrique et j’en passe. Mais jamais avec pathos, ni violence, de la retenue, de l’émotion, du vrai…
J’ai donc beaucoup aimé Les rêveurs, mais je n’irai pas jusqu’au coup de coeur, car il y a dans les rêveurs un certain désordre qui a un peu nuit à ma lecture à certains moments, mais je suis curieux de voir si après ce premier succès public et critique, Isabelle Carré va poursuivre dans la voie de l’écriture…et de la rencontre de ses lecteurs.
Je rêve surtout de rencontrer des gens. Je n’ai jamais trouvé simple de faire connaissance, ailleurs que sur un plateau. Mais on se quitte une fois le tournage ou la pièce terminés, et on ne se revoit jamais comme on se l’était promis…Alors je m’offre une seconde chance, j’écris pour qu’on me rencontre.
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