Françoise Frenkel est une jeune femme juive polonaise qui a étudié les lettres françaises à La Sorbonne et a fondé à Berlin en 1921 la première librairie consacrée aux oeuvres françaises. Avec l’arrivée d’ Hitler au pouvoir en 1933, et la mise en place des persécutions antisémites, elle sera contrainte de fermer sa librairie et de se réfugier à Paris en 1939. Puis de quitter Paris lors de l’exode vers la zone libre, puis de se cacher en zone libre pour échapper aux rafles et à la déportation qui attend les réfugiés juifs en France pendant la collaboration. D’ Avignon à Nice où elle restera longtemps, en passant par Grenoble et la Haute Savoie, Françoise Frankel arrivera en 1943 à passer en Suisse d’où elle écrira Rien ou poser sa tête, qui sera publié en 1945. Cette même année, Françoise Frankel reviendra à Nice pour vivre en France et on n’aura alors plus de nouvelles d’elle.
Rien où poser sa tête est un récit sobre et descriptif de ce qu’a pu être la vie des juifs pendant la guerre et en particulier en France pendant le régime de Vichy. L’auteur se contente de raconter son quotidien sans aucun pathos ni aucune haine, comme s’il était indispensable de laisser un témoignage de cette réalité. Elle ne parle que d’elle même et des personnes qu’elle a croisées dans son périple , qui l’ont cachée , aidée, emprisonnée, jugée, relâchée. A chaque fois, Françoise Frenkel esquisse un portrait d’hommes et de femmes , sans les juger ni les encenser, qui ont croisé sa route.
J’ai beaucoup aimé cette lecture qui se dévore comme un roman et qui permet de garder en mémoire cette période noire de l’histoire européenne et française, probablement la pire de toutes. Si l’on connaît plus ou moins cette période de l’histoire, rien où poser sa tête a le mérite de sortir des théories pour témoigner sur la réalité des privations de la population en général et de la traque des juifs dans le but de les déporter à des fins d’extermination.
C’est un livre qui en apparence ne fait pas grand bruit, qui ne cherche pas à en mettre plein la vue au lecteur, qui n’est même pas triste ni plombant, et qui devrait être proposé au collège ou au lycée pour sortir des manuels d’histoire.
C’est le parcours d’une fugitive , le récit d’une solitude noire entrecoupée de quelques lueurs.
J’ai été frappé par l’analogie entre la situation des réfugiés juifs de l’époque et celle des migrants d’aujourd’hui. A la différence qu’ heureusement, lorsqu’ils sont arrêtés et internés dans des camps , ils ne finissent pas dans la chambre à gaz. Mais on retrouve tellement de points communs, les passeurs étaient déjà en place et organisés et la population déjà divisée entre aider ou se conformer aux règles…
En résumé, Rien où poser sa tête fut pour moi une belle découverte, trouvée dans la librairie et achetée au feeling.
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