C’est l’histoire de Paul, né en 1950 à Toulouse, fils d’un concessionnaire Simca et d’une correctrice de presse. Paul va grandir, miné par le deuil de son frère ainé, faire des études, séjourner brièvement en Angleterre. Il va devenir journaliste sportif dans un hebdo et millionnaire après avoir publié des livres de photographies d’arbres, sa passion. Paul se mariera, aura des enfants, vieillira…et le livre s’achève en 2004, date se sa sortie, le narrateur à alors 55 ans…
Les arbres ne devaient rien comprendre à notre espèce. Petits mammifères agressifs à la maigre espérance de vie, nous combattions sans cesse et tombions inexorablement à leurs pieds, sans jamais prendre racine nulle part. Nous ne semblions jamais tirer aucun enseignement durable de nos erreurs. Même si nous étions capable d’inventer des boissons gazeuses et des téléphones sans fil.
Cette vie française n’est ni extraordinaire, au sens de géniale, ni banale, au sens du métro boulot dodo mari et père. C’est juste une Vie française, parmi d’autres. Mais elle est racontée par Jean-Paul Dubois, de manière géniale et extra ordinaire, au sens d’unique.
Ce livre est un vrai coup de coeur pour moi et il confirme ce que j’avais ressenti lorsque j’avais découvert l’auteur avec La succession.
C’est très simple à expliquer, Jean Paul Dubois a tout ce que je recherche dans la lecture et on trouve dans ce livre , tout ce qui constitue, pour moi la patte d’un grand auteur.
On a une histoire, une vraie, simple, racontée sans fioriture ni mot savant pour épater le lecteur, mais avec toute la complexité de l’âme humaine à travers le parcours de vie de Paul, le narrateur, et des nombreux personnages secondaires qui gravitent autour de lui.
On a une musique de fond, omniprésente, accrocheuse, celle du désenchantement, de la vacuité de l’existence, de la petitesse de l’être humain, un pessimisme lucide qui me parle personnellement.
Je vois la vie comme un exercice solitaire, une traversée sans but, un voyage sur un lac à la fois calme et nauséabond. La plupart du temps nous flottons. Parfois sous l’effet de notre propre poids, nous glissons vers le fond. Lorsque nous le touchons, alors nous éprouvons la peur ancestrale qui habite tous les têtards voués à l’abattoir. Une vie n’est jamais que ça. Un exercice de patiente avec toujours un peu de vase au fond du vase.
On a un humour particulièrement bien troussé, avec beaucoup de dérision, surtout sur soi-même,parce que je suppose que cette Vie Française est un peu celle de Jean-Paul Dubois, même si au fur et à mesure de ma lecture, j’ai arrêté de me poser la question, c’est tellement bien écrit qu’on se fiche de savoir si tout est inventé ou non.
Je venais d’avoir trente-huit ans. Je vivais au milieu des arbres. Mes enfants se défiaient de moi. Ma belle-mère avait un amant. Ma mère votait pour un social-traitre (ndlr : François Mitterrand). Ma femme préparait des plans sociaux. Et Laure (ndlr : son ex maîtresse) découvrait l’orgasme dans les bras d’un rabbin débauché mais prudent.
Enfin, j’ai trouvé beaucoup de sensibilité et d’humanité dans ce récit où l’ on passe avec brio du rire aux larmes pour reprendre cette expression galvaudée mais qui cadre bien avec ce roman . Et tout cela n’est jamais pesant ni ridicule.
En résumé, un plaisir immense de lecture qui m’a conduit à m’offrir illico presto le dernier opus de Dubois, qui a obtenu le Goncourt 2019, et que j’ai trouvé en plein confinement au Super U près de chez moi…
Un seul bémol, mais qui ne concerne pas le livre en lui même mais la quatrième de couverture et disons la façon de le vendre par l’éditeur : les parties du livre correspondent aux Présidents de la République en exercice lde la naissance de Paul (De Gaulle) jusqu’à la fin de l’histoire (Chirac). Et si en effet, l’histoire se déroule sur 50 ans de société française, ce n’est qu’un prétexte au déroulé de l’histoire, et le livre ne raconte pas 50 ans de politique française comme c’est écrit ! Faut vous calmer les gars du marketing et du business !
Au final, je crois que si on est un minimum lucide , de nature à regarder la vérité en face et si on aime la vie, on ne peut qu’aimer la prose de Jean-Paul Dubois.
Allez une petite dernière pour terminer cette chronique…une confession du beau-père du narrateur , à l’orée de sa vie…
j’ai vieilli et un jour je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien, ni devant, ni derrière, rien dans ma vie, ni dans aucune Eglise, et qu’il était trop tard. Rien n’est pire à mon âge que de se retrouver confronté à un tel vide . Aujourd’hui, j’en veux à la terre entière et je ne sais même pas pourquoi. Vous savez, Paul, ces saloperies de religions et leur misérable idée de Dieu ont fait de nous une espèce stupide et servile , des sortes d’insectes génuflexibles…
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.